samedi 9 octobre 2010

L'écrit dans les sociétés de l'oralité



Évoquer la notion de « littérature » dans la société tunisienne nous mène forcément à nous poser la question de « l’écrit » dans les sociétés de l’oralité de la sphère arabo-musulmane.

En effet, «l’écrit » et par voie de conséquence le « lu », socialement parlant, renvoi à trois champs de significations, d’abord le champ du sacré symbolisé par le Coran principalement et le hadith ainsi que de tout autre écrit s’y rapportant ou référant, tels les invocations et autres écrits soufis. Le second, dérivé du premier concerne les usages thérapeutiques ou fétichistes de « l’écrit » à bon ou mauvais escient que pratiquaient les guérisseurs et les ‘azzamas qui vont de l’acte symbolique de « l’ouverture du livre » (حَلآن الكتاب) pour diagnostiquer une détresse, malchance ou maladie et confectionner l’amulette (حجاب) appropriée, jusqu’aux pratiques de sorcellerie malveillante. Le troisième et le plus important sur le plan social, c’est l’acte notarié, celui par lequel sont fixées les relations de propriété, de mariages, de décès et d’héritage.

L’activité artistique humaine, dans la société orale, celle qui se rapporte à la poésie, la narration, la mythologie et les histoires du groupe sa généalogie et ses événements, sont consacrées dans le rituel de la communication orale et de sa transmission au cours des assemblées (ميعاد) des communautés rurales, ou bien dans les « forjas » de la « Halqa » des narrateurs et fdaouis des café urbains.

La quête du « savoir écrire et lire » était une sorte de privilège que ne pouvait s’offrir que ceux dont les moyens le permettaient, le passage par le Kouttab entre les mains du Meddeb, bien que encouragé par les préceptes du Hadiths, se limitait le plus souvent à l’acquisition des rudiments nécessaires à faire la prière, à déchiffrer ou à rédiger une « teskéré » et bien entendu à pouvoir déchiffrer et gérer les actes de famille.

La reproduction du système de diffusion de savoir était presque une spécialité familiale ou tribale, les enfants d’une Zaouïa أولاد زاوية، فقرة) qui se transmettaient la charge de l’enseignement. Quand à devenir notaire cela impliquait des sacrifices tels que seules les familles aisées pouvaient se les consentir.

Le savoir de l’érudition qu’assuraient les grandes institutions comme la Zitouna, était un privilège d’une caste de lettrés de père en fils, en majorité citadine et ayant des attaches solides avec les pouvoirs politique et religieux. C’est ainsi que des familles héritaient les charges de « Muftis », « Cadis », « Cheikh Islam » et cheikh de la Zitouna.

Dans ce contexte, la société avait les éléments de sa « culture » qu’elle se partageait selon des rituels traditionnels ancestraux, et les élites lettrées, religieuses et politiques avaient les leurs dans une sorte de rupture permanente.

Avec l’introduction des techniques de l’imprimerie et l’apparition des livres, il s’est crée dans les couches populaires des villes, des habitudes d’écoute collective d’un lecteur des livres les plus prisés tels les mil et une nuit, la sirat de ‘Antara Ibn Chaddad, Saif ubn dhi yazan, Ras el Ghoul ou Dat el Himma. Des maisons d’éditions se sont spécialisées dans l’impression des contes populaires ainsi que les images représentant des héros de ces histoires qu’ils vendaient à prix modique.

1 commentaire:

Mustapha karim a dit…

Bravo pour cet article succinct et en parfaite harmonie avec la réalité historique de la société tunisienne.