Dans les vieux documents des voyageurs
chroniqueurs du 19ème siècle, nous découvrons une mine
d’informations que nos « historiens » ou ceux qui faisaient
semblant de l’être, avaient occulté à bon ou à mauvais escient. L’un de ces
voyageurs,-Philippe Daumas- ayant passé un séjour en Tunisie de quatre ans,
nous rapporte dans ses chroniques un épisode sordide de la vie d’Ahmed Pacha
bey dit El Mouchir,(1837-1855), épisode qui nous rappelle les déboires de Sadok
bey avec son mignon-plus tard premier ministre- Mustapha Ben Smaïl.
Dans cet épisode il s’agit du nommé
Salah Chiboub dont les atouts physiques allaient le propulser au grade de
général de la garnison de ghar el Melh. Voici son histoire :
Le géneral Salah Chiboub, qui commande les
troupes de Ghar-el- Melh, est un jeune homme de trente ans ; petit de
taille, gracieux et joli garçon. Salah est né dans la capitale où il végétait
quand le Bey décréta la formation des deux régiments dont sa bonne ville de
Tunis dût fournir le recrutement. Le jeune Chiboub fut compris dans le premier
recensement que l’on fit dans la capitale ; il fut enrôlé dans le second
régiment et y devint bientôt tambour habile et intelligent.
Le soir, à l’heure de la retraite, les
tambours réunis, suivant leur habitude, attendaient dans la cour du sérail, le
signal du tambour major pour exécuter le roulement ; quand le Bey vint à
passer et s’approcha d’eux pour écouter la batterie de la retraite. Ahmed (Bey)
remarqua la bonne mine de Salah, se fit dire son nom ; et, quelques jours
après il l’appelait au sérail et l’attachait à sa personne. Ravi de cette
faveur aussi grande qu’imprévue, le jeune Chiboub délaissa sans regret sa
caisse et calcula de suite les avantages insignes que cette distinction devait
lui valoir. La providence l’avait doté de toutes les qualités dans une cour
aussi dépravée. Outre la beauté et la finesse des traits de sa figure, Salah
avait une tournure et des manières féminines; un caractère souple, bas, avide
et rampant; un esprit rusé et perspicace; une âme vile et sordide.
Il eut pour son souverain des prévenances si
séduisantes, des cajoleries si adroites; ses minauderies parurent si bien
l'expression d'une passion honteuse que le Bey ne tarda pas à devenir l'esclave
de cet ignoble jeune homme et de ses déplorables penchants; un instant , il
s'enferma avec lui et ne vit plus que lui…
Il est pénible et embarrassant d'avoir à
entretenir le lecteur d'un pareil sujet; mais si l'on veut parler d'Ahmed Bey,
il faut pourtant bien s'y résoudre.
Salah mit à profit l'engouement d'Ahmed; il se
fit donner diamants, bijoux, grades, argent et propriétés; puis quand il
s'aperçut que le cœur de son souverain devenait froid, il lui arracha encore avec
le grade de "Lioua" Général de brigade, le commandement de la
province de Ghar El Melh.
Dans le courant de l'année 1848, au mois de Rejeb
1263, Salah pria le Bey de lui permettre d'aller surveiller sa province; celui-ci
le lui accorda; mais deux mois après se sentant isolé loin de lui, il le
rappela et ne lui permit plus de s'éloigner qu'à de rares et courts
intervalles. Il lui donna même les fonctions de "Grand chambrier"
pour rendre son éloignement impossible.
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