Sfax et sa population vouent une vénération particulière au oualy Sidi Ameur el M’zoughi (15 ème siècle) originaire du Maroc et disciple d’un autre saint sidi Abul Gaïth Al Kachech qui lui a délégué la charge de diffuser sa propre école mystique dans la région du sahel.
Sidi Ameur a vécu une quarantaine d’année dans la ville de Sfax avant de venir s’installer sur une colline et d’ériger son sanctuaire (Zaouïa) à quelques encablures de la ville de Monastir. Ce sanctuaire va attirer les disciples et fidèles de toutes les régions environnantes et de l’intérieur du pays, et particulièrement de la ville de Sfax où ses fidèles organisaient tous les ans des pèlerinages depuis Sfax et à travers les villages du sahel, pour se rassembler autour de la mosquée – mausolée du saint, sis au village de Sidi Ameur prés de Sahline.
J’ai eu à prendre connaissance de ce rituel annuel lors de notre tournage à Sidi Ameur en 2004, ensuite au cours d’un entretien que j’ai eu avec Si Ali El Hachicha professeur de musique et chercheur passionné du patrimoine sfaxien.
Les Zaouïas Âouamrya de Sfax, inaugurent leurs activités la nuit de la moitié de l’hiver, par un rassemblement des adeptes à Sidi Abilhassan Al Karray pour interpréter la nouba d’ouverture de Moussem (Saison).
Les jeudis d’après, et jusqu’à la première semaine du printemps, qui correspond à l’entrée des Hassoums, les Fogras , se réunissent dans leurs Zaouïas respectives, qui sont au nombre de six (Sidi Sebti, Sidi Slama, Sidi el Khafi, Sidi Âbbes, Lella essamra Messaâouda, et Sidi Bou Ali). Le dernier jeudi démarrent les préparatifs au pèlerinage à Sidi Ameur, par l’entretien des Zaouïas, et des étendards (Sanjaks)
Le vendredi est jour de repos et de prière, à partir du lendemain matin, toutes les troupes Âouamrya se rassemblent devant les Zaouïas pour effectuer la kharja (procession) dans les rues de la ville pour annoncer aux adeptes la date du pèlerinage.
Ce rituel va durer cinq jours, au matin du sixième jour, le jeudi, les Fogras se rassemblent dans la maison du Mokaddem pour manger le Thrid, alors que le Hizb et l’ensemble de la troupe excécutent les différentes Noubas Âmirya. Un certain nombre de Âllamas (porte étendards) vont placer les sanjaks aux portes de Sidi Chbek, Sidiel M’seddi à la rue Monji Slim, Sidi Chaouch à Bab Jebli, et Sidi El Feryani.
Le rassemblement aura lieu à Sidi El Feryani, où stationnent des charrettes, chariots, chevaux et mules sont mis à la disposition des pèlerins pour les transporter à Saltnya où ils feront la prière du Dhohr, et prendront un peu de repos avant de se diriger vers Jbeniana leur première escale, la zaouïa de Sidi Abi Ishaq Ejjbeniani pour y passer la nuit.
Après le dîner et la prière du Îchaa, le rituel du chant s’installe par la récitation des Aourads et l’exécution de la nouba : El qalb chahi liqak dans le maqam Rsd Ôubaydi, suivi de la nouba Maghraoui, Laâroussi …Ainsi de suite jusqu’à l’aube, les pèlerins prennent la route vers la deuxième étape : Sidi Ali El Mahjoub à Ksour essaf.
Ainsi de nuit en nuit les pèlerins vont passer par les Zaouïas de Sidi Bannour prés de Moknine, et d’Oum Ezzine à Jammel, avant de se diriger au alentour de Mazdour où ils vont s’installer sous les oliviers. Cette halte sera l’occasion pour exécuter les jeux traditionnels de Zgara, l’animation et le spectacle vont provoquer l’affluence des populations de la région, pendant que les cercles vont se former autour des tables basses (Midas) pour prendre le repas, le Mokaddem va étendre le grand étendard sur le sol pour recueillir les dons et le richq déstinés à la zaouïa, alors que deux autres étendards seront aussi étendus pour collecter les dons à la troupe et aux Âllamas qui font le parcours de Sfax à Sidi Ameur à pieds.
La procession, en chants et en rythme, étendards déployés, quitte l’oliveraie à destination de Sidi Rajeh, dans le patio de la zaouïa est exécutée une Hadhra Chadhoulia. L’après midi, les pèlerins se dirigent direction Rejal Lahmada à Mesjed Îssa où sera donné aussi une Hadhra Chadhoulya. A la fin de la Hadhra la procession prend la direction de Ôuinet Sahline pour lire la Fatiha à la mosquée de Sidi Mosbah, après cette étape, l’ensemble se dirige vers le mausolée de Sidi Nasr Echaref le grand père de Sidi Âmeur.
Après la prière d’El âsr, la troupe est renforcée d’un Zakkar, d’un drabki, d’un tarrarji et d’un bnadri pour se placer devant les chanteurs afin de prendre la route vers Sidi Âmeur, au même moment la Jamaâa de Sidi Âmeur avec les Âllamas et la troupe de chant en tête,vient à la rencontre des visiteurs sur le chemin qui sépare sidi Nasr de sidi Âmeur….
Sources : Familles Ben Ouannes (Hamdoun) et Mokaddem à Sidi Âmeur.
علي الحشيشة: السماع عند الصوفية والحياة الموسيقية بصفاقس في القرنين التاسع عشر والعشرين (2000)
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