mercredi 29 septembre 2010

Le Melhun chanté: Ghannayas et Edbas dans les terroirs tunisiens


Le mahfel, nom de lieu de l’arabe « hafala » ( حفَلَ محفل ) est l’espace naturel et originel des joutes poétiques et vocales des Ghannayas et Edba. C’est à la fois un espace et un forum d’échanges entre les artistes d’une part et leur auditoire, hommes et femmes, et les artistes entre eux dans une sorte de compétition dont le but est d’arracher l’admiration de leur public.

Avec sa disposition circulaire, le mahfel offre une grande scène aux Ghannayas pour évoluer tantôt vers le public des femmes et tantôt vers celui des hommes, public séparé comme l’exigent les traditions rurales particulièrement.

Codifié depuis des générations, le déroulement du tour de chants des Ghannayas, exige que le premier passage soit donné par respect à l’ainé, soit en signe d’hospitalité à l’invité (Ghannay venant d’une autre région). Les règles dictent aussi que le premier « duel » soit consacré à la poésie dite « Mekaffer » expiatrice où l’on fait les louanges au prophète et autres poésie du genre ; par la suite c’est une sorte d’échange qui se fait en respectant l’unité du genre et des mètres poétiques proposés par le Ghannay précédant. Il arrive aussi que la confrontation prenne des allures de défis ou de polémiques, genre qu’on appelle « Ahrach » ou agressif – ce genre de confrontation est très rare de nos jours sauf des cas de simulation au bonheur des spectateurs-

Le tour de chant de chacun des Ghannayas et selon les règles du Melhun chanté, se compose des pièces indispensables que sont :

· Le Mouguef (موقف): un poème composé de quatrains, introduit par quatre vers indépendant, ils peuvent être des Tala’ (طالع), ou bien des ‘Oroubi (عروبي) ou des Salhi (صالحي).

· Le Gsim : (قسيم)Un poème à deux vers symétrique.

· Le M’seddes : (مسدس) Un poème à plusieurs strophes de six vers chacune.

Ces trois morceaux sont chantés en Ad libitum selon un rythme propre à chaque phrasé d’une région à une autre.

· Enfin la Malzouma ou souga : (ملزومة أو سوقة) qui est un poème chanté selon des rythmes aussi diversifiés que les mètres des poèmes, avec l’accompagnement de deux « Sa’fas » (سعفاء), des assistants qui reprennent le refrain.

Le tour de chant est par ailleurs ponctué par des exhibitions spectaculaires de « Bardias » (أبَّاردية) qui avec leur tromblons ou carabines exécutent des danses et des sauts avant de faire feu au sol ou en l’air, lors des passages importants du chant. Les tirs nourris des Bardias ainsi que les youyous stridents à répétition, donnent au mahfel et aux Ghannayas plus d’ardeur et d’enthousiasme.

Les terroirs sahélien, mahdois, sfaxien et de Souassi, sont l’espace géographique où les expressions du Melhun chanté est les plus vivaces et les plus prisées populairement. Ces dernières années, ont vu l’éclosion de talents jeunes qui sont venus assurer la continuité d’un art menacé d’extinction du fait de la disparition de l’ancienne génération. Le développement des moyens de diffusion et de communication moderne (Vidéo,C.D, DVD, internet et autres forum sociaux[1]) a largement contribué au regain d’intérêt pour le Melhun chanté parmi les nouvelles générations, un grand sentiment de fierté et de satisfaction se dégagent chez les passionnés de cet art qu’ils considèrent comme une composante fondamentale du patrimoine et de la mémoire.

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