lundi 13 juin 2011

Gafsa : Le bassin minier pourvoyeur de richesse et exclu du développement. II


II-/ Les poussées impérialistes.

La lecture simpliste du processus colonial, réduit le fait colonial à une promenade (expédition) militaire visant à sécuriser les intérêts de la France en territoire algérien annexé. Ainsi se trouve occultée la question cruciale de l’échec du réformisme engagé certes dans une période de faillite des finances tunisienne, et du travail de sape de ce réformisme engagé depuis des décennies par les milieux d’affaires français. Il est indéniable que le blocage de l’économie tunisienne était tel que qu’il rendait impossible toute velléité de réforme, d’autant que cette réforme fût conçue dans les anti-chambres des chancelleries des puissances aux abois qui attendaient la chute du pays comme un fruit mûr entre leurs mains.

L’aspect juridique du régime du protectorat en effet offrait aux forces capitalistes de l’époque un véritable paradis d’impunité vis-à-vis des lois de la république, la pression qu’ils ont exercé pour précipiter l’invasion de la Tunisie n’avait pour but que de drainer les flots de ressources financières pour finaliser leur main mise sur le pays, ses ressources minières et agricoles.

L’agressivité politico-économique des milieux d’affaires français d’Algérie a constitué le fer de lance de l’expansion impérialiste en Tunisie, l’aboutissement de la création de la C.P.G. en est l’illustration.

C’est dans le cadre tout à fait nouveau et inédit (exception faite du Tonkin) du protectorat que la collusion entre les milieux d’affaires et des militaires allait se traduire par la création de ce mode de gestion et de direction d’entreprise capitaliste et coloniale en contradiction avec le principe même des fondements et de l’éthique du capitalisme. Les exposés de motifs et les justifications philosophiques de l’expansion coloniale de la France, pays de la « république et des droits de l’homme » apparaissent comme un mensonge éhonté. La pressions concomitantes des affairistes, boursicoteurs, aventuriers d’une part, des politiciens véreux, et des colons avides de privilèges illimités, allaient donner naissance à des pratiques et des exploitations agricoles,industrielles et entreprenariale dignes des républiques bananières. Ainsi les compagnies de chemins de fer, les grands domaines agricoles (Enfidha, Marja Chaal…) se sont érigés des passe droit en alliance avec les militaires et arrosant les politiques, ainsi une stratégie de clientélisme s’est mise en place réduisant le pouvoir politique français du protectorat à un simple intermédiaire pour obtenir le plus de privilèges de l’autorité Beylicale « fantoche » et de l’autorité de la république en métropole.

La mission civilisatrice de la France dans les pays conquis ou « protégés » ne fût que des textes dans les livres des écoles franco-arabes.

Il y a lieu de souligner l’appui apporté par les courants cléricaux aussi bien les protestants des finances, que ceux de l’archevêché d’Alger dirigée par le primat d’Afrique le cardinal Lavigerie (dont la statue a été inaugurée par Lucien Saint en 1925 à Bab Bhar) à cette expansion coloniale et capitaliste.

Le système clientéliste mis en place va en effet subordonner le politique aux barons de la finance, de l’industrie et des grands colons qui ont supplanté l’aristocratie foncière locale qui continue à briller par son absentéisme, et soumettre les « sujets » tunisiens à un statut encore plus dégradé qu’il ne l’était sous le pouvoir beylical. Seuls, échappaient –relativement- à cette « humiliation », les artisans, notables et petits commerçants des grandes villes, dont les activités traditionnelles n’allaient tarder à subir de plein fouet l’importation massives de produits manufacturés d’Europe.

De par sa taille et sa domination tant régionale que tout le long du tracé de la ligne Gafsa- Sfax, la C.P.G. se taillera une puissance financière, industrielle et politique sans égale ; loin de participer au développement des forces productives humaines de la région, elle les a confinée dans une aliénation absolue. La déstructuration des relations familiales et tribales traditionnelle ainsi que le mode de vie ancestral, ne s’est pas accompagné par une intégration au monde industriel encore moins à celui tant promis par la mission civilisatrice de la République encore moins de celle de la charité chrétienne.

Les hommes qui peinaient dans les fonds étaient reclus dans des baraquement de fortune alors que la compagnie traçait les villes de Philippe Thomas (Metlaoui) Moulares (Oum Laâraïess) et Redeyef à l’image des villages de Meurthe et Moselle avec église, mairie, square, kiosque et place pour le bal du 14 juillet. Les « Indigènes » elle n’en avait pas à se soucier !!

La mémoire collective des ouled Maâmmer, bouyahya, abid, Shim, ennasser, slama et autres jeridya a gardé des complaintes et des poèmes émouvants retraçants l’expérience mal vécu des damous et de la perte de leurs traditions, fierté et presque de leur honneur.

J’ai eu à recueillir auprès de plusieurs vieux mineurs des témoignages poignants, des poèmes et des chansons qu’ils ont recueillis eux même auprès de leurs aînés. La perte d’une certaine vision de la vie et des valeurs ne pouvait être compensée par les « quat sous » qu’ils percevaient en contre partie de leur âme.

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