lundi 13 juin 2011

Gafsa : Le bassin minier pourvoyeur de richesse et exclu du développement : III.


III-/ Le développement à petite vitesse

(Peu importe mon radotage le vin est tiré il faut le boire !!)

Bien que la question mérite un développement plus long je vais l’abréger à cette dernière partie, car cela à l’air d’être un combat de Don quichotte.

La doctrine qui a prévalu dans le pacte colonial telle que formulée par Paul Leroy Beaulieu Administrateur de la CPG et théoricien de l’expansion coloniale est : « L’un des principaux avantages des colonie était le développement du commerce des métropoles ». De son côté Jules ferry justifie sa politique coloniale en disant : « La fondation d’une colonie était la création d’un débouché ».

Ainsi, la CPG a fonctionné comme un appel d’air à toute l’industrie française pour satisfaire ses besoins d’infrastructure de départ : Rails matériel de traction, de transport et équipements miniers. N. Dougui* écrit : « La Tunisie devait ainsi jouer selon cette doctrine, à la fois le rôle de déversoir de matières premières et de marchandises. » C’est ainsi que les phosphates tunisiens furent un extraordinaire tremplin pour les industries françaises donc des ouvriers de la métropole au détriment des possibilités matérielles et humaines -aussi modestes soient elles- de la Tunisie, la plus part du temps en infraction aux règles de la concurrence internationale, bien entendu c’était le contribuable tunisien qui « prenait en charge » via le budget du protectorat le surcoût des prix des fournisseurs français.

Soixante années de « bonne » habitudes juteuses, vous imaginez que ça ne laisse pas de trace

Abdallah Laroui décrit les mouvements de libération nationale du Maghreb comme une « Siba » généralisée, j’en ai parlé dans mes notes sur le Taflig. Certains ténors du parti du néo Destour ne s’offusquaient pas lors de leurs discours démagogique de parler en termes crus de partage de butin dès que la C.F.T et la Gafsa seront nationalisées, l’un d’eux disait : « chacun tunisien pourra rester chez lui et touchera 3000 francs », à une autre occasion un autre déclarait : « en nationalisant le chemin de fer chaque tunisien voyagera gratis »

Outre les largesses octroyées aux résistants et la plupart aux pseudos résistants sous forme de fermes et fermettes de colons italiens ou français de la vallée de la mejerda ou les domaines céréaliers(dont les plus grands bénéficiaires étaient les sahéliens et les supporters du clan « bourguibiste » contre les youssefistes), ou pour le menu fretin les licences de louages, les permis de transport , le principe de la razzias du nouvel état s’est étendu aux compagnies minières dont la Gafsa était le fer de lance, les transports en commun terrestre et ferroviaire.

C’est ainsi que les valeurs travail, labeur et « sueur » furent dévalorisé au profit de l’esprit de « planque » dans la fonction publique le fameux clou enfoncé dans le mur (Mousmar Fi 7it), les fonctions d’uniformes (Police, Armée Douanes) chères aux clans et tribus Makhzen.

L’administration et les entreprises nationalisées se trouvèrent chargées par une pléthore de salariés sans compétences ni justificatifs d’organigramme : la pratique du clientélisme s’institutionnalise. Le piston, les liens de parenté, les bras longs du clan sahélien fait ravage. Des tisserands deviennent du jour au lendemain des maraîchers ou des fermiers ou des éleveurs de vaches laitières ; des pasteurs de camélidés deviennent des agriculteurs dans des périmètres irrigués etc. Lors de l’évacuation de l’armée française des casernes Saussier (Gorjani) et de la Kasbah, la population était presque encouragée à commettre des actes de vandalisme dans ce que les français n’ont pas jugé utile de récupérer…

La Gafsa avec son poids financier et économique ne pouvait échapper à son instrumentalisation pour des fins politiques de clientélisme et partisane. La Gafsa était et demeure toujours d’un poids de taille pour qu’elle échappe au contrôle du pouvoir. Les luttes qui ont opposé ce dernier au puissant secrétaire général de l’U.G.T.T. au cours des années 70, étaient aussi et surtout des démonstrations de force de la centrale syndicale confortée par ses troupes de la compagnie, des chemins de fer, des dockers, de la métallurgie. Les mastodontes de la centrale n’étaient pas le clan Gafsien face au Clan Sfaxo-Kerkenien.

Entre enjeux politiques, syndicaux, clientélistes du pouvoir central et local, les privilèges que s’octroyaient les uns et les autres des miettes que leur balançait la Gafsa (Voitures bon d’essences marchés en tout genres ), La C.P.G. n’a pas failli à sa tradition de servir les ingénieries étrangères quand à ses divers phases d’investissement et de ne pas remplir sa mission industrialisante tant au niveau national que local. La zone Industrielles de gafsa est restée des décennies (depuis l’ère Nouira) un terrain vague et désertique, tous les projets identifiés s’évaporèrent (depuis les rouleaux en aciers pour bandes transporteuses, jusqu’au boulons) alors que les magasins de la CPG allaient sauter des stocks rossignols depuis les années 40. Le cynisme des dirigeants de cette compagnie atteint son paroxysme par la création des ateliers et magasins centraux de Metlaoui alors que l’activité principale de la compagnie était d’extraire du phosphate, des investissement à coup de dizaines de millions de dinars dans la mécanique en concurrence directe des ateliers le construction métallique et de mécanique de gabes, Sfax, Tunis, et Bizerte. C’est ce qui s’appelle « brandir le drapeau rouge pour combattre le drapeau rouge ». Ainsi aucun constructeur ne pouvait rivaliser avec les moyens de la CPG et aucun autre investissement ne pouvait prétendre servir à un quelconque besoin de la compagnie et ce n’est pas pour autant que la compagnie vas voir ces importations de pièces de rechanges réduites substantiellement.

La CPG continuera à être le paradis des engineerings, groupeurs, constructeurs, charpentiers et chaudronniers étrangers, la part des industries locales se limitera à l’exécution des basses besognes depuis les prestations (Locations) de mains d’œuvre aux/et produits à très faible valeur ajoutée qui ne nécessitent ni technicité ni encadrement ni conception ni masse critique.

Le passage de l’exploitation souterraine des gisements s’est fait au détriment des habitants du bassin : « Les vieux à la retraite et les jeunes allez vous faire voir ailleurs. » Les jeunes diplômés n’ont qu’à aller chercher dans les régions côtières celles qui ont eu la chance de voir les retombées des fruits de la croissance, les zone pourvoyeuses de richesses phosphatières ou pétrolières continueront à être à la traîne du train du développement, à vivoter de petites contrebandes -déstabilisatrices des mécanismes du commerce « légal »- et commerce de carburant et de devises sur les bas côtés des routes du sud.

Une part importante de non dit persiste dans les motivations profondes des choix des dirigeants de la plus puissante compagnie (GCT) du pays quand à ses choix aussi bien régionaux que de sa mission stratégique industrielle et nationale, d’une part et de la perspective à long terme de l’après phosphate, d’autre part.

Cette doctrine a fonctionné tout au long de l’histoire de la CPG, jusqu’à la nationalisation de la compagnie en 1960

Allégeance ou dissidence ? عينبك فيك شاهد الله عليك...

Le discours politique une fois décodé, distillé et libéré de sa gangue de bois massif se retrouve dans les schèmes classiques qui ont prévalu des siècles durant. Qu’il soit celui de l’ensemble dominant ou des fractions opposantes cela n’a pas d’incidences qualitatives majeures. Le jeu du moi et de l’autre est toujours décisif.

Le citoyen (sujet) n’a guère de choix, l’alternative c’est d’être « avec moi » ou « contre moi ».

Une variante conjoncturelle peut intervenir et se traduit par le dicton populaire : «الدنيا بونتوات و مزيايا » ce qui donne : « La vie est faite de rancoeurs et de fleurs (services rendus) ». A cet égard les gens raisonnables ne devrait pas se faire des ennemis aux bras longs….Et surtout de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour leurs faire plein de bouquets de fleurs.

Les gens habitués aux arcanes du pouvoir savent très bien qu’une grosse légume ne rends service à quelqu’un, qu’en évaluant l’intérêt en retour de ce quelqu’un : « .لاش يصلحلنا ».

Ceux qui s’égosillent à réclamer leur droit à la différence ne saisissent pas qu’ils n’ont d’autre alternative que les voies obséquieuses de l’allégeance ou les maquis hasardeux de la dissidence.

Et comme l’allégeance sous entend le parti pris du "OUI, OUI," il est inutile de s’encombrer de l’excès de bagage de la matière grise, car les fâcheuses habitudes de faire appel à cette matière risquent de troubler l’harmonie du chant à l’unisson et de créer des dissonances qui ne sont guère appréciées.

Quand aux maquis de la dissidence, ils sont semés de ronces et d’orties vaut mieux être bien immunisé face à ces éléments qui somme toute peuvent affamer, c’est un fait, mais ne risquent pas de tuer, par contre, ils ont l’avantage de permettre aux gens qui en font le libre choix, de garder l’excès de bagage de la matière grise, des fois qu’elle pourrait servir.

* Histoire d'une grande entreprise coloniale: La compagnie des phosphates et du chemin de fer de Gafsa 1897-1930 (Publication de la faculté des lettres de la Manouba).

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