lundi 13 juin 2011

Le bassin minier pourvoyeur de richesse et exclu de développement. I





Une série d'articles publiés sur la première version de Khil we lil en 2008 en plein soulèvement du bassin minier

Longtemps les routes menant à Gafsa, de Tunis, de Kasserine, de Sfax ou de Gabes offrent au voyageur un paysage de désolation et de sécheresse, certes traverser la plaine de Âmra, longtemps par le passé qualifiée de Âtchet Âmra (soif de Âmra) ces dernière années on est frappé par les verdoyants vergers d’oliviers et d’arboriculture. Dans une petite vallée à prés de 35 km au nord de Gafsa, j’ai été surprit par l’immensité du champ de ruine romain de ce que fût une ville étendue sur plusieurs km et qu’on appelle aujourd’hui Souinya.
C’est la présence de l’eau qui crée cette richesse du bâti et de l’agricole, les ressources d’eau depuis prés d’un siècle sont gravement menacées par l’exploitation minière.
Ce qui frappe aussi c’est cet anachronisme entre une activité hautement capitalistique et l’absence de développement régional synchrone à cette activité, la zone industrielle de Gafsa a du mal à attirer des activités complémentaires en amont ou en aval de l’exploitation minière. Les sites miniers traditionnels nous offrent un spectacle de fin d’époque, un patchwork de laideur et de tristesse qui a phagocyté l’aménagement colonial, sans pour autant en tirer le meilleur pour une proposition où la qualité de vie soit respectée.
La magnifique vallée de Thalja est souillée par les déversements noirâtres et nauséabonds des laveries de phosphates.
Le paradoxe majeur c’est la croissance des profits de la CPG eu égard à la misère humaine et l’absence d’espoir des enfants de ceux qui ont consacré leurs vies aux Damous.
Les questions de fond de l’impact du développement minier dans la région de Gafsa a été toujours remise aux calendes grecques. Le constat est sans appel aujourd’hui les politiques de clientélisme ne peuvent plus continuer à masquer le peu de cas que donne la CPG du développement industriel et ce n’est certainement pas les pseudos projets de carrières de sable ou de pierre qu’elle identifie qui vont donner des emplois au jeunes diplômés de la région.
I Les débuts
L’une des plus anciennes Compagnies coloniales en Afrique, La compagnie des phosphates de Gafsa, a été fondée en 1897 par Philippe Thomas, pour devenir une puissance à la fois régionale mais surtout à l’échelle du pays avant et après l’indépendance. Ignorée par les autochtones Hemammas qui se sont sentis spoliés de leurs terres, la compagnie à fait appel à une main d’œuvre étrangère de réfugiés tripolitains, de kabyles, de marocains et de sénégalais; quand à l’aristocratie ouvrière des cadres de maîtrise elle était assurée par les italiens. Les ouleds bouyahia, sehim et autres ouleds nasser ainsi que les ouleds abid ne prendront le chemin des galeries que vers 1914 suites à une terrible année de disette et de famine.
Pour ces fiers nomades, être astreint à 10 ou 12 heures de travail dans les profondeurs des galeries, était perçu comme une atteinte et une privation de la liberté, eux dont la vie est réglée par une horloge ponctuée par les différentes saisons de transhumance, des pluies, des labours, des semailles et des moissons, mirent longtemps à se soumettre aux règles du travail salarié et d’exploitation capitaliste. Le passage vers ce mode de vie, ne s’est pas fait sans traumatismes du fait des conditions inhumaines et archaïques et des traitements injustes des dirigeants français de la compagnie, qui étaient la plupart du temps des officiers des mines ou d’X , et qui jouissaient de pouvoirs absolus.
La compagnie a exploité le « cosmopolitisme » de la main d’œuvre entassée dans les baraquements des différents sites miniers pour monter les uns contre les autres, créant ainsi des diversions et des haines primaires entre ceux qui constituaient la « chair à tunnel » et qui auraient dû au contraire être solidaires et unis. Cet état de choses n’a pas favorisé l’éveil de la conscience ouvrière et syndicale entre ceux qui étaient au bas de l’échelle. Paradoxalement c’est au niveau des cadres de maîtrise que le syndicalisme allait voir le jour duquel les damnés de la mine étaient exclus.
Le particularisme de la compagnie du fait de son statut colonial donnât ainsi une des formes d’exploitations capitalistes les plus inhumaines, où la main d’œuvre arabes et noire étaient réduites presque à un état d’esclavage sans aucune garantie ni droits.
Longtemps les différends entre groupes tribaux ou ethniques furent érigés en politique de divisions et de conflits, avec leurs corollaires : le clientélisme et la servitude aux petits chefs.
La région minière ainsi que toutes les emprises de la compagnie telles les voies des lignes ferrées était de fait et de droit sa propriété, devenant ainsi un ÉTAT dans l’ÉTAT. Les profits juteux générés par l’exploitation du sous-sol et des hommes servirent exclusivement aux actionnaires, aux dirigeants, et la modernisation de l’exploitation ; la main d’œuvre ses conditions de vie, l’environnement et le développement régional en sont exclus.
A suivre

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