lundi 18 novembre 2013

Les médinas à la recherche du temps perdu....



 Crédit photos Mon massir: http://massir.typepad.fr/mon_massir/2007/09/bab-souika-si-1.html





Dans l’espace urbain de la ville de Tunis du milieu du 20ème siècle, les soirées du mois saint étaient rythmées par une foule de manifestations festives qui permettaient aux tunisois parmi les couches populaires de partager une vie sociale à côté de leurs obligations familiales et des rituels religieux du mois de Ramadan.
C’est ainsi que sur les places publiques des deux faubourgs, s’installaient des manèges et autres forains qui aménageaient le temps d’un mois des baraques et chapiteaux de fortune, où des spectacles de magie ou de cirque émerveillaient enfants et adultes. Dans une atmosphère bon- enfant, un « moratoire » s’établissait sur les us et coutumes rigoureuses de la société, donnant une liberté relative aux femmes d’assister aux spectacles des cafés chantants des salles El Fath ou Kortba.
Des annexes de cafés et des Makhzens (dépôts) se transformaient en salles obscures, où sur un drap en guise d’écran sont projetés des copies « usées » des classiques du muets, moyennant quat’ sous, ou bien des spectacles de marionnettes du genre Ismail Pacha ou du fameux théâtre d’ombre Karakouz. Dans les artères animées de la ville et de la médina, des spectacles ambulants rassemblaient les gamins dans un tumulte  joyeux.
 Bref, une vie sociale qui puisait ses sources dans les formes de « Forja »  traditionnelles à un moment charnière de l’histoire de l’évolution de la société tunisienne qui passait du statut de protectorat à celui de l’indépendance.
L’explosion urbaine, l’exode rural, les aménagements des nouveaux quartiers et cités, et les transformations topographiques de la ville de Tunis, sont autant de facteurs qui vont modifier l’identité démographique et sociale de la ville de Tunis, durement éprouvée économiquement, par ailleurs, au cours des années 20/30. Le déclin de son artisanat ainsi que de ses Souks va être suivi par ses quartiers où un grand nombre de demeures maisons vont se transformer en Oukalas ou se délabrer petit à petit jusqu’à tomber en ruine.
A la fin des années 60 il ne restait de cette ambiance ramadanesque presque rien.
La mémoire de la cité va être frappée d’amnésie, c’est la télévision qui va se substituer à la vie en créant des ersatz nostalgique d’un «  passé » imaginaire avec des éléments sublimés d’une époque révolue.
L’état de délabrement s’étendait aux quartiers périphériques aussi bien ceux crée par les pouvoirs publics que ceux résultants de l’habitat spontané, seul les Manazeh et Manars échappaient à cet état des choses. Les quartiers européens de Tunis se vidaient petit à petit de leurs habitants cédant ainsi leurs appartements aux bureaux des professions libérales et des sociétés de services. Les directives réglementant les débits de boissons alcoolisées aura des conséquences inattendues sur le paysage de la ville qui se voyait «  envahir » à l’heure de fermeture des bars d’une faune digne des bas fonds.
Au début des années 80 le constat est là la vie culturelle nocturne de la ville de Tunis régressait dramatiquement en dehors de la pleine saison festivalière. L’idée de créer des festivals en toute saison et en tout lieu commençait à germer dans les esprits des édiles de la ville, c’est ainsi qu’allait prendre forme le festival de la Médina dont la première session à eu lieu au mois de juin ce qui coïncida avec le mois saint. Ce n’est qu’à la 3ème session que le festival fut officiellement programmé d’une façon officielle avec le mois de Ramadan.
Compte tenu de la rareté des espaces susceptibles d’accueillir les spectacles et le nécessaire technique (Éclairage, Son) c’est à Dar H’ssine que la plupart des soirées avaient lieu, avec les années d’autres lieux tels les anciennes medersa ( Bir Lahjar, Achouria…) et autres demeures ( Dar Lasram) et Zaouïas on été mises à contribution, de même que certains espaces des souks.
Rapidement le concept prit forme avec des spectacles de musique plus ou moins raffiné et, drainait une foule nostalgique d’une certaine image de la Médina, un public assez snob et guindé, et souvent des « Touristes » intérieurs qui se perdaient dans les dédales de la Médina, et demandaient aux riverains leur chemin pour retrouver le centre ville ( Bab B’har et L’avenue).
 C’est un festival d’une Médina qui sans ses Beldis, et qui ignorait ou occultait les anciens et les  nouveaux occupants de la ville arabe de par une programmation élitiste et l’absence des expressions populaires traditionnelle et régionales plus à même de s’adresser aux riverains de La hafsia, la rue du Pacha ou Tourbet El Bey. 
Parti de l’idée « Des festivals en toute saison et en tout lieu », le festival prend petit à petit une dimension internationale, dans laquelle l’esprit de ramadan demeure l’axe central, avec toute une mosaïque de représentations dont la musique classique (Tunisiennes, Turques, algériennes etc) et savante, les expressions soufies, et le tarab composent les ingrédients incontournables.
Après la création du festival de la ville de Sfax, et depuis une dizaine d’années le concept moyenne. Toutefois, la conjonction des festivals d’été avec le mois saint, ne manque pas de créer des contraintes budgétaires, se répercutant sur les programmations des Festival des Médinas de l’intérieur.
A l’instar des festivals d’été, les festivals des Médina n’ont que l’embarras d’un choix limité quand aux spectacles proposés, ce qui donne une image presque similaire de la majorité des festivals.
Alors que ce concept est propice au développement des éléments contribuant à la présentation d’une image de soi partant du particulier local vers le général national, les expressions traditionnelles locales ont du mal à se faire une place dans une offre de spectacles aux contours vagues et imprécis.
L’image de soi dans le registre spirituel dans le contexte du mois saint est à même de contribuer efficacement à mieux nous faire connaître et installer un dialogue sain avec l’autre.  

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