mercredi 14 avril 2010

La plus drôle des créatures: Nazim Hikmet (1948)



Dédiée aux destructeurs de profils

Comme le scorpion, mon frère,

Tu es comme le scorpion Dans une nuit d’épouvante.

Comme le moineau, mon frère,

Tu es comme le moineau Dans ses menues inquiétudes.

Comme la moule, mon frère,

Tu es comme la moule Enfermée et tranquille.

Tu es terrible, mon frère,

Comme la bouche d’un volcan éteint.

Et tu n’es pas un, hélas, Tu n’es pas cinq, Tu es des millions.

Tu es comme le mouton, mon frère,

Quand le bourreau habillé de ta peau

Quand le bourreau lève son bâton

Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau

tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.

Tu es la plus drôle des créatures, en somme,

Plus drôle que le poisson

Qui vit dans la mer sans savoir la mer.

Et s’il y a tant de misère sur terre

C’est grâce à toi, mon frère,

Si nous sommes affamés, épuisés,

Si nous somme écorchés jusqu’au sang,

Pressés comme la grappe pour donner notre vin,

Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non

Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.

( 1948 )

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