mercredi 12 janvier 2011

« Je vous ai compris » Ou les raisons d’un discours en fuite en avant. Partie I



Plusieurs pages tunisiennes du réseau social Facebook ont réagit à la suite de l’adresse du chef de l’état tunisien du 10-01-2010 en ironisant sur l’absence de l’équivalent de la fameuse phrase du Général de Gaulle à Alger : « Je vous ai compris » ! Alors qu’en réalité et en regardant de prés l’évolution des événements depuis la première adresse, force est de constater une escalade en concordance totale avec l’avertissement à la limite de la menace de fermeté face aux soulèvements populaires de Sidi Bouzid.

C’est bien le cas aussi quant aux affirmations du porte parole du gouvernement qui « accuse » réception du message des populations des régions secoués par les soulèvements sans précédant depuis le schisme « Yousséfiste ».

Aussi bien le message des tunisiens au pouvoir, que la réponse de ce dernier ont bel est bien été reçus.

Mohamed Bouâazizi –Paix à son âme- a été le détonateur qui a mis le feu à une poudrière sans cesse alimentée depuis des années. Les explications du soulèvement populaire avancées ici et là relèvent pour la plupart de la langue de bois, d’autant qu’elles ont été largement rabâchées et ressassées lors du soulèvement qui a ébranlé le bassin minier de 2008.

Du chômage des jeunes en général, celui des diplômés en particulier :

Cette situation ne date pas d’aujourd’hui ; cela fait plus de 20 ans que la courbe de croissance du chômage dans les milieux de la jeunesse enregistre une tendance ascendante sans donner des signes d’un début d’asymptote.

Plusieurs soupapes fonctionnent d’une façon aléatoire, permettant le relâchement relatif des tensions et contraintes résultant de ce phénomènes socio-économique qui n’est pas particulier à notre pays. En effet le commerce informel qui n’est plus la spécialité du souk Ben Gardanne et El Jem , la contrebande aux camionnettes sans « targa », l’immigration clandestine des damnées des terres de l’intérieur du pays ou déguisée de la crème de nos écoles d’ingénieurs qui s’installent après masters et thèses là où leur valeur est apprécié à sa juste valeur , sont autant d’échappatoires à la détresse du chômage et de ses conséquences dévastatrices matérielles et surtout morales.

Certains pourraient ajouter les effets de la crise économique mondiale à l’aggravation de la situation du marché du travail, mais en réalité rien ne vient étayer ce point de vue d’une manière édifiante. Ce qui est certain, et à mettre à l’index c’est la célérité des pouvoirs publics tunisiens à être le bon élève de la Banque Mondiale et du F.M.I. et à mettre en exécution leurs directives.

Le désengagement de l’état du secteur industriel et la vente des cimenteries n’a servi qu’à faire face aux échéances du service de la dette, ou à enrichir encore plus les initiés et les proches de la magistrature suprême. Le gouffre entre le tissu industriel et l’université ne fait que s’approfondir, la dépréciation de cette dernière et de ce qu’elle produit ne fait que s’accentuer. Le savoir perd d’année en année de son aura, l’image des maîtres et des disciples est gravement écornée.

Du déséquilibre régional :

Pareillement, cette question est l’une des tares congénitales du modèle de développement depuis les premiers plans des années 60. De plan en plan le fossé ne faisait que s’élargir entre un littoral « arrogant » de richesse, monopolisateur de l’effort d’investissement de la communauté, et le pays profond qui sombre de plus en plus dans le délabrement de ses ville désertées de sa jeunesse acculée à se trouver un semblant de coins sous le soleil. Il n’y a aucune commune mesure ou critères de comparaison entre les délégations de Rgueb, Oum Laraies, Bir el Hfay et Hammamet, Ksibet el Mediouni ou bien Hammam Sousse….

Les rares réalisations industrielles telle la SNCPA (Cellulose de Kasserine) font figure de vestiges datant d’un « moyen âge industriel ». Celles plus récentes relativement (SOTACIB à Feriana, Sakmo à Sakiet, S.T.A.Charpentes de Ghardimaou les plâtres de Meknassy….), n’ont eu ni l’effet d’engrènement sur leur environnement.

En résumé du « sous développement » notoire et chronique de l’intérieur découle les conséquences dramatiques qui frappent de plein fouet une jeunesse bercée par l’illusion d’une formation scolaire et universitaire susceptible de lui permettre une réalisation de soi, mais qui s’est avérée inadéquate et inopérante non seulement dans ces régions, mais ailleurs aussi.

L’embellie du développement agricole (particulièrement dans la plaine de Gammouda) et les espoirs qu’elle fait naître s’est vite dissipée, les relais des industries agro-alimentaire indispensables et nécessaires pour la valorisation de la production agricole n’ont pas vue le jour.

Depuis des années les populations de l’intérieur ont fait leur deuil quant au partage équitable entre les régions des fruits de la croissance ; elles se sont en grande partie dirigées vers des activités illégales mais tolérées, une forme de siba rampante et informelle prend le dessus sur la Makhzen. Les solidarités tribales se substituent aux solidarités nationales et citoyennes. Ceux qui sont exclus des mécanismes du clientélisme politique Mmakhzenien, prennent le maquis de la siba ancestrale.

Aucun commentaire: