lundi 24 janvier 2011

On est pas sorti de l'auberge (de nos têtes)


Crédit Photos Hamideddine Bouali (La Kasba le24-01-2011=


Alors que notre pays, sans crier gare, est en train d'écrire les pages les plus illustres et les plus mémorables de son histoire.
Alors qu'il met entre parenthèse quelques siècles de soumission permanente aux pouvoirs qui ne l'ont jamais représentés et par conséquent illégitimes.
Alors qu'il s'approprie pour la première fois son destin et sa souveraineté en toute autonomie, liberté et responsabilité.
Alors qu'il est en train de donner au monde entier l'illustration de l'avènement des organisations de la multitude et prouver ainsi l'obsolescence des formes dépassés de l'ère post coloniale.
Les élites sembles désemparées face à leur incapacité à avoir une prise sur le processus en cours. Tous leurs schèmes mimétiques se sont avérés inopérants; leur imaginaire bridé par les convictions livresques et scolastique est incapable de trouver les codes des mouvements de la multitude.
I- Nous avions tout faux:

Depuis des années notre génération semblait se complaire dans une autosatisfaction hautaine et méprisante à l'égard de le jeunesse des nouvelles générations. Leur niveau, leur langue, leur raisonnement leurs préoccupations, leurs attitudes, leur insolence, l'école les instits, les programmes etc tout est négatif, tout est catastrophique. Notre valorisation passait par la dévalorisation de la jeunesse. Nos frustrations et nos échecs sont transformés en un orgueil de pacotille.
Notre incapacité à faire face à la machine répressive de la dictature rampante puis hégémonique, s'est transformée en un exercice de compensation pour avoir la conscience tranquille; avec tous les 4 ou 5 ans des "initiatives" sans lendemain et de petits calculs de politicards dépassés.
  • La rupture consommée avec le transformations sociales profondes de la société,
  • Le désintérêt flagrant de la chose "culturelle"
  • Le retard flagrant de la compréhension des NTIC.
  • Et surtout l'attitude figée de nos instruments d'analyse dépassés,
se sont accumulés de telle façon que nous nos sommes trouvés hors jeu et incapables de comprendre les tenants et les aboutissants de cette révolution qui a pris de courts les "observateurs" le plus "avisés".

II- L'état post colonial: promesses non tenus.

L'état post colonial s'est attelé à parachever l'entreprise de déconstruction de notre société entamée par le colonialisme par une "modernisation" forcée du pays tout en refusant de se moderniser; Le chèque en blanc remis par le peuple tunisien en guise de reconnaissance légitime de l'état post colonial, afin qu'il recouvre sa souveraineté par la reconnaissance en retour de sa citoyenneté fût en pur perte. Le peuple tunisien considéré comme poussière d'individus spolié de ses solidarités (عصبيات) anciennes, ne fût jamais reconnu dans la solidarité moderne: La citoyenneté. En fait l'état post colonial s'est incarné dans ce qu'il y avait de pire dans l'état husseinite et l'état colonial. Le Néo-Destour qui s'est implanté dans les masses populaire en usant des solidarités tribales et régionales, combinera ses solidarités et les forces de sûreté et de l'armée française pour faire face au schisme Bourguiba/ Ben Youssef. Le parti est vite investi par les destouriens de 56 et le "nationalistes" du 31 juillet 55. Une partie non négligeable de la police et de l'administration centrale et régionale de l'état post colonial fût issue de l'héritage colonial et beylical.
La modernisation forcée entreprise par l'état post colonial en tant que processus de déconstruction portait en son sein les germes de l'injustice qui allait toucher:
  • La jeunesse de l'école de Messâadi, qui aspirait à une liberté promise mais jamais concédée.
  • Ce qui restait de la jeunesse zeytouniènne dévalorisée et exclue du Makhzen post colonial.
  • Les régions de l'intérieur et du sud du pays oubliées du processus de développement ( ou du partage du butin.
La modernisation forcée s'est accompagnée d'une gigantesque entreprise de gommage de la mémoire collective tant celle du mouvement national que celle plus ancienne, ainsi que sa réduction en une quantité négligeable. A la négation du moi collectif on substitut le moi amplifié et mégalomaniaque de Bourguiba. D'année en année le partie du Néo-destour du mouvement national de se réduisait en peau de chagrin, pour céder la place en un appareil de répression féroce.

III- De l'état post colonial à l'état néo- Beylcal

Le lent et long processus de déliquescence de l'état post colonial depuis le 7-11-87 allait donner à celui-ci les caractères de l'état Husseinite au plus fort de la crise des finances tunisiennes, avec les comportements d'un prédateur vorace à l'endroit des finances et de l'économie de l'état. Le Roi-Dictateur et sa nuée de sauterelles, famille et courtisans considéraient le pays comme un fermage (إقطاع) dont la légitimité leur revient de plein droit. A la détresse matérielle des populations tunisienne de la 2ème moitié du 19 s. correspond ces dernier temps une détresse morale et un sentiment d'humiliation insoutenable. Certes le déséquilibre flagrant entre les régions côtières et celle de l'intérieur ne cessait de croître depuis des années, il a fini quand même par être par être intériorisé comme donne constante, aiguisant le sentiment d'exclusion et réactivant les solidarités anciennes dans des secteurs non négligeables de l'économie souterraine et même illégale ( Sidi Boumendil :Les majeurs de Jilma ou contrebande dans la bande frontalière de l'ouest avec les camionnettes sans targa).

IV- Des solidarités tribales aux solidarité de la multitude.

Plus de 50 ans depuis l'avènement de l'état post colonial, ce dernier non content d’opérer la moindre modernisation de son appareil et de son essence, il revient aux pratiques d'état du 19ème s. et bien entendu il échoue lamentablement dans la modernisation de la société pour la soumettre à ses caprices et à ses désirs. L'aveuglement de la cour, des courtisans, des ministres et commis de l'état d'une part et des élites politiques tous partis confondus (islamistes et modernistes) est tel que personne ne réalise que le pays bascule dans une siba généralisée qui nie à l'état et aux élites toute légitimité. Une Siba positive fusionnée par le désir suicidaire de recouvrir une dignité bafouée et un honneur sali au grand jour par les révélations de Wikileaks. Révélations qui par ailleurs étaient un secret de polichinelle pour tous les tunisiens.
En fait cette révolution a mis à jour la capacité extraordinaire de la société à se moderniser en autonomie totale des élites, a développer des synergies inouïs et à intérioriser une rébellion sourde et silencieuse porté par une jeunesse dont l'expression négativement jugée par ses aînés n'était que le combustible en attente de l'heure de la mise à feu.
La peur et les angoisses de l’establishment, de l'intelligentsia, des ronds de cuir, des opportuniste de tout acabit vient de l'incompréhension d'un mouvement qui a découvert sa propre puissance: La multitude si différente et diversifiée en apparence mais si homogène en profondeur.
L'exigence de la multitude est en fait symbolique: ce n'est pas à un état autoproclamé et sans légitimité d'imposer les règles du jeu, c'est à nous de légitimer un état -aussi provisoire soit il- Afin qu'il sache qu'il rend compte au peuple.

Conclusion:
L'apport de la révolution tunisienne, le grand coup de pied qu'elle a balancé dans la fourmilières des convictions obsolètes forcent l'étonnement et l'admiration de tous de part le monde. les clefs des modèles de l'ancien monde ne nous sont d'aucune utilité.
Une mise à jour de fond en comble des schèmes de l'analyse sociale et des organisations humaines s'impose aux élites politiques qui persistent à croire en des modèles mimétiques révolues.
Une multitude de citoyens -balbutiant certes- découvrent une puissance inégalée et digne de respect.

1 commentaire:

Le Mat a dit…

Belle analyse, bravo.